Borréliose de Lyme : état des connaissances et pistes de recherche

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La borréliose ou maladie de Lyme est une maladie infectieuse, non contagieuse, causée par une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi transmise à l'homme par la piqûre de tiques dures du genre Ixodes infectées.

Le Haut Conseil de la santé publique a réalisé une synthèse des connaissances sur le plan médical, la situation épidémiologique nationale, européenne et internationale, les caractéristiques du vecteur de la maladie, les techniques diagnostiques, ainsi que les orientations de traitement.

Situation épidémiologique nationale, européenne et internationale

En France, pour la période allant de 1986 à 2012, l'incidence de la borréliose de Lyme varie entre 36 et 43 cas pour 100 000 habitants. Il existe des disparités régionales. Le nombre moyen d'hospitalisations par an pour une borréliose de Lyme est estimé à 954 (1,5/100 000 habitants). Les enfants de 5 à 9 ans et les adultes (50 à 64 ans) sont les plus touchés. Les forestiers et les chasseurs sont les principaux groupes à risque.

En Europe, le nombre de cas annuels moyen est estimé entre 65 000 et 85 000 avec d'importantes variations régionales. Un pic diagnostique d'érythèmes migrants (premier symptôme de la maladie) est rapporté en juin et juillet dans la majorité des pays du nord et du centre de l'Europe ; un second pic survient dans les pays du sud de l'Europe à la fin de l'été et au début de l'automne.

Aux Etats-Unis, enfin, une estimation provisoire du nombre d'Américains frappés par la maladie de Lyme publiée par les CDC fait état de 300 000 cas par an. Cette estimation de la morbidité due à la borréliose de Lyme est basée sur trois études en cours, l'une examinant les données de près de 22 millions de personnes assurées chaque année sur six ans, la deuxième collectant des données auprès de laboratoires, la dernière s'intéressant aux déclarations spontanées du grand public.

Le vecteur

Ixodes ricinus, tique dure hématophage, est le vecteur le plus largement répandu en France et en Europe. Il est à l'origine de la maladie de Lyme mais également de pathologies liées à d'autres agents bactériens, parasitaires ou viraux. Elle est associée aux forêts comme aux habitats ouverts tels que les pâturages. En France, sa période d'activité s'étend de mai à octobre, avec un pic en juillet-août. Elle est présente sur tout le territoire à l'exception du pourtour méditerranéen. Les tiques peuvent, en théorie, transmettre simultanément plusieurs agents pathogènes (cas cliniques probables de co-infections entre Borelia burgdorferi et Bartonella par exemple). Ces co-infections sont dues soit à la morsure d'une même tique lorsque celle-ci est infectée par plusieurs agents pathogènes, soit à des morsures multiples de plusieurs tiques lorsque chacune est infectée par des agents pathogènes différents.

Problèmes diagnostiques

Le diagnostic de maladie de Lyme repose sur un faisceau d'arguments cliniques, biologiques et épidémiologiques.

Au laboratoire, le diagnostic biologique repose sur deux tests réalisés en deux étapes : une étape de screening ou criblage par une technique ELISA, confirmée obligatoirement par la technique de western-blot.

L'interprétation de la sérologie doit tenir compte de plusieurs points essentiels :

  • les anticorps sont souvent non détectables lors de la phase précoce, et le diagnostic sérologique n'est pas indiqué en présence d'un érythème migrant ;
  • les anticorps peuvent persister même en cas de traitement efficace, les sérologies sont donc inutiles pour le suivi du patient ;
  • un traitement antibiotique précoce, lors de la phase primaire, peut retarder l'apparition des anticorps et être à l'origine de résultats sérologiques faussement négatifs.

Pour les tests actuellement commercialisés, des études de performances précisant, entre autres, les critères d'inclusion des patients et le stade de la maladie seraient donc hautement souhaitables.

Le débat clinique

Certains malades consultent pour des manifestations subjectives, alors même que la sérologie ne permet pas d'affirmer le diagnostic. Ces divers symptômes intitulés « post-Lyme » ou « Lyme-like » ou encore « Lyme chronique » sont d'autant plus difficiles à interpréter et à comprendre qu'ils seraient parfois améliorés par les antibiotiques, transitoirement ou définitivement.

En fait, cette sémiologie polymorphe persistante après morsure de tique peut s'avérer liée à la présence d'autres agents infectieux, eux aussi transmis par des tiques chez ces patients souvent multi-piqués. Il est donc indispensable de mettre en place les outils, notamment informatiques, permettant de relever l'ensemble des informations cliniques que pourront communiquer ces patients. Ces données seront ensuite étudiées par des épidémiologistes dans le but de définir un poids précis de chaque symptôme et ainsi mieux caractériser cette population sur le plan clinique.

Deux études récentes ont permis de confirmer le rôle pathogène des Bartonella chez des patients mordus par des tiques. L'une d'entre elles a identifié par culture d'échantillons de patients présentant un tel syndrome de nouvelles espèces de Bartonella, pour la plupart parasites des rongeurs.

Patients et associations

En France, deux associations militent en faveur des victimes de la maladie de Lyme : Lyme sans frontières (700 adhérents en France et en Belgique) et France Lyme (400 membres). Parallèlement à ces deux associations à vocation nationale, d'autres groupements sont de taille plus modeste.

La densité de ce tissu associatif, au demeurant mal connu, et dont l'essor est récent (post-2007), n'est encore qu'assez faible.

Patients et associations plébiscitent le recours au témoignage et à la narration de l'expérience personnelle de la maladie face au discours médical. Une meilleure connaissance de ces récits participerait à l'instauration d'une relation d'écoute plus satisfaisante des patients et de leurs associations par les professionnels de santé.

Le Haut Conseil de la santé publique a émis les recommandations suivantes.

1. Concernant la prise en charge médicale des patients, il est recommandé :

  • d'identifier un groupe de patients manifestant une sémiologie polymorphe persistante après morsure de tiques, qualifié après un bilan initial complet ayant exclu les autres causes ;
  • de rechercher chez ces malades, sur les plans épidémiologique et géographique, d'autres agents pathogènes potentiellement transmis par les tiques ;
  • d'améliorer le diagnostic biologique en étendant le spectre de la recherche vers d'autres espèces plus rares que Borrelia burgdorferi ainsi que vers des co-infections (Bartonella et Borrelia, Anaplasma et Borrelia, etc.) ;
  • d'évaluer les traitements antibiotiques chez ces patients en tenant compte des référentiels d'évaluation en vigueur ;
  • d'instaurer avec les associations de patients un dialogue et une communication clairs sur les incertitudes et les imperfections diagnostiques actuelles.

2. Concernant les performances des outils diagnostiques sérologiques actuels, il est recommandé :

  • d'effectuer, en dépit de l'absence de standardisation des techniques et de la difficulté à constituer des panels d'étude représentatifs, mais en s'appuyant sur les recommandations approuvées scientifiquement, un contrôle du marché des notices afin d'optimiser les informations et les données de performances fournies par les fabricants ;
  • d'évaluer la disparité des souches, l'efficacité des réactifs sur une population bien définie, à l'aveugle, à l'instar de ce qui est réalisé par le Centre national de référence ;
  • de mettre en place des comparaisons inter et intra laboratoires à l'aide d'un contrôle de qualité dans le but d'évaluer chaque laboratoire selon sa capacité à réaliser le diagnostic biologique, et d'abord les tests sérologiques (accréditation des laboratoires).

3. Concernant les pistes de recherche cliniques et diagnostiques, il est recommandé :

  • de favoriser l'évaluation et la disponibilité des nouveaux moyens diagnostiques, notamment les outils moléculaires à la recherche d'agents infectieux connus ou nouveaux potentiellement transmis par les tiques ;
  • de promouvoir rapidement la réalisation d'un protocole de recherche multicentrique et multidisciplinaire, clinique, biologique et épidémiologique.

4. Concernant les pistes de recherche sociologique, il est recommandé :

  • de mieux étudier les associations de défense des malades de Lyme et leurs adhérents ;
  • d'encourager les recherches anthropologiques et sociolinguistiques sur les récits et les témoignages des patients à propos de leur maladie, de leurs parcours de soin ;
  • d'encourager les recherches sur les pratiques des loisirs en milieu sylvicole favorisant l'exposition aux morsures de tiques, loisirs traditionnels (chasse) ou nouveaux loisirs (randonnée, etc.), afin de mieux cibler et de mieux adapter les campagnes de prévention.

Références

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