Mucormycose et Covid-19 en Inde

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L'Inde avait enregistré 51 775 cas de mucormycose en novembre en 2021. Les Mucorales sont des champignons coprophiles (qui aime le fumier) qui prospèrent sur les excréments d'herbivores.

La plupart des cas de mucormycose signalés en Inde sont associés au COVID-19 ; ils concerneraient 0,27 % des patients hospitalisés pour COVID-19. Cependant, la prévalence de la mucormycose en Inde avant même la pandémie de COVID-19 était élevée, environ 0,14 cas pour 1 000 habitants, soit environ 80 fois la prévalence dans les pays développés

Des excréments de vache riches en mucorales, compte tenu de leur utilisation dans de multiples rituels et pratiques, en particulier pendant la pandémie, ont probablement joué un rôle clé dans la mucormycose associée au COVID-19 en Inde. Considérées comme un animal sacré, les vaches ne sont pas abattues dans de nombreux États Indiens. D'autre part la combustion de la bouse de vache est un véhicule possible pour la distribution de spores.

La cause exacte de l'augmentation disproportionnée des cas de mucormycose associée au COVID-19 en Inde reste inconnue. La plupart des chercheurs considèrent que la principale cause de l'épidémie de mucormycose doit être la conjonction de la pandémie de COVID-19 et des traitements aux corticostéroïdes avec le nombre énorme d'Indiens atteints d'un diabète sucré.

Ref : Skaria J, John TM, Varkey S, Kontoyiannis DP. Are unique regional factors the missing link in India's COVID-19-associated mucormycosis crisis? ASM Journals. mBio. 2022: e0047322

Rappels sur les mucormycoses.

Les mucormycoses sont des infections fongiques invasives dues à des champignons filamenteux de l'ordre des Mucorales. Ces champignons sont retrouvés dans les sols, les poussières et sur les matières organiques en décomposition. L'ordre des Mucorales comprend plusieurs genres et espèces ; les genres les plus fréquemment impliqués sont Rhizopus sp, Lichtheimia sp, Apophysomyces sp_et_Mucor sp. Il existe une spécificité d'espèce selon la localisation géographique et la forme clinique.

La porte d'entrée des mucorales est en général respiratoire. La contamination peut également se faire par voie cutanée suite à une plaie traumatique ou chirurgicale, une brûlure ou une peau fragilisée par un pansement ou par un topique corticoïde, ou par voie digestive. Enfin, l'inoculation intraveineuse directe de mucorales présentes dans des drogues contaminées peut aboutir à des infections profondes primitives, volontiers cérébrales, chez des toxicomanes.

Cinq formes cliniques de mucormycoses ont été bien individualisées :

  • Les mucormycoses rhino-orbito-cérébrales sont plus fréquentes : l'infection touche dans un premier temps les sinus et peut gagner la face, le palais, les orbites et les structures osseuses de la base du crâne puis le cerveau.
  • Les localisations cutanées primitives : l'infection entraîne une réaction inflammatoire autour de la plaie et l'infection peut s'étendre aux tissus sous-cutanés.
  • Les atteintes pulmonaires primitives qui se manifestent par une fièvre et des signes pulmonaires.
  • Les formes gastro-intestinales primitives se manifestent par une fièvre accompagnée de douleurs et de troubles du transit, parfois de saignements digestifs.
  • Les atteintes disséminées : les localisations secondaires les plus fréquentes sont le cerveau, la rate, les reins, le cœur, le foie, la peau et le tube digestif, avec une symptomatologie variable selon les organes atteints, mais toujours marquée par la fièvre. L'évolution vers le décès est fréquente, variant de près de 70 % dans les formes disséminées à 30 % dans les formes cutanées.

 

La survenue de mucormycoses est associée à certains terrains sous-jacents comme le diabète , en particulier en cas de décompensation acido-cétosique, une pathologie hématologique maligne (leucémie aigüe myéloïde en premier lieu), une transplantation d'organe (de rein en premier lieu) ou une greffe de cellules souches hématopoïétique. Plusieurs facteurs favorisants ont été identifiés : corticothérapie, neutropénie profonde et surtout prolongée, traumatisme, autres drogues immunosuppressives affectant les lymphocytes T et déficit immunitaire cellulaire.
Le diagnostic est difficile et souvent retardé. Il repose sur la réalisation de prélèvements au niveau des sites infectés, pour examen histologique et culture. Le développement de techniques de biologie moléculaire permet un diagnostic plus précoce et peuvent être mises en œuvre sur les échantillons prélevés, notamment de sang. La précocité du diagnostic conditionne le pronostic.
Le traitement médicamenteux est difficile car la nécrose des tissus rend difficile la diffusion des traitements jusqu'au site d'infection. Les molécules utilisées sont l'amphotéricine B, le posaconazole et l'isavuconazole.

Mucormycoses et covid 19

Les mucormycoses semblent être un problème émergent chez les malades atteints de covid 19, en particulier quand ils présentent des formes graves de l'infection. On relève une augmentation du nombre de publications décrivant des cas de mucormycose chez les patients atteints de covid 19. Ce phénomène semble concerner essentiellement l'Inde : 70 % des cas publiés concernent ce pays et un article récent fait état, au 21 mai 2021, de près de 15 000 cas de mucormycose identifiés au cours de la seconde vague de covid 19 dans ce pays.

Cependant, l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont émis le 11 juin 2021 une alerte recommandant aux États membres de préparer les services de santé afin de réduire au minimum la morbidité et la mortalité dues au mucormycoses associées à la Covid 19.

Source : American Society of Microbiology Journals.

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