Tests de diagnostic rapide en infectiologie tropicale en 2014 : du principe à la pratique

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Les tests de diagnostic rapide, également appelés tests rapides d'orientation diagnostique (TROD), ont considérablement progresséen infectiologieau cours de ces 10 dernières années. En 2014, plus d'une centaine d'agents pathogènes peuvent être détectés en utilisant ce type de méthode. L'amélioration des performances des tests rapides et leur disponibilité à un moindre coût permettent d'envisager leur utilisation à grande échelle, en dehors d'un laboratoire de biologie médicale, dans un contexte d'urgence, d'épidémie ou de moyens réduits. La Société de Pathologie Exotique a étudié ces évolutions et consacré son colloque organisé en mai au thème des TROD en infectiologie tropicale (1).

TROD: les principes, les choix, les bonnes pratiques

Les TROD utilisent différents principes techniques dont la majorité repose sur la spécificité de la liaison antigènes-anticorps ou, moins souvent, sur la détection de génomes d'agents infectieux. Pratiqués sur le terrain, auprès du malade, par du personnel pouvant être rapidement formé, ces TROD ne bénéficient le plus souvent que d'évaluations de laboratoire avant leur mise sur le marché. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) met à la disposition des utilisateurs des documents d'information relatifs aux critères de sélection des TDR. Cependant, ces documents concernent un nombre restreint de maladies (le plus souvent le paludisme) et ne dispensent pas d'une validation des tests sur le terrain, afin de prendre en compte l'environnement, les pathologies, l'épidémiologie (épidémie, cas sporadiques) (2). En situation épidémique, dans une démarche de dépistage, le choix des TROD se fera notamment sur le critère de leur spécificité, alors que le choix destests à visée diagnostique (intérêt individuel) accordera une importance particulière à leur sensibilité.

Utilisation des TROD sur le terrain

Les TROD ayant été le plus largement utilisés sur le terrain en médecine tropicale concernent le paludisme et le choléra.

TROD du paludisme

En 2012, plus de 205 millions de TROD (bandelettes réactives) ont été pratiqués dans le monde pour le diagnostic du paludisme. Le recours à l'utilisation de ces TROD est intégré par l'OMS au programme mondial de lutte antipaludique, afin de limiter la prescription abusive des antipaludiques (2). Leur utilisation à large échelle a mis en lumière leurs différences de sensibilité en fonction des conditions de stockage et d'utilisation ou de l'espèce plasmodiale, ainsi que des difficultés d'interprétation du résultat. Sandrine Houze (Centre National de Référence du Paludisme, Paris) souligne les limites des TROD pour le diagnostic de Plasmodium falciparum. La détection de la protéine PfHRP2, spécifique de cette espèce, est la cible des TROD. Or l'expression de cette protéine est variable, certaines souches de Plasmodium falciparum ne la sécrétant pas, entrainant un défaut de sensibilité (faux négatifs). Cette protéine est sécrétée à la fois par les gamètes et les formes intraérythrocytaires plasmodiales, or le diagnostic de paludisme repose sur la présence de formes asexuées. Le temps médian de persistance de la protéine PfHRP2 est de 42 jours, d'où la persistance de la positivité du test alors que l'accès de paludisme est contrôlé. La large utilisation de ces TROD sur le terrain souligne la nécessité d'algorithmes pour déterminer la conduite à tenir, dont la prescription ou non d'antipaludiques. L'utilisation de TROD du paludisme par les professionnels de santé permet de réduire la prescription d'antipaludiques. Cependant, les TROD négatifs sont une aide diagnostique performante dans les régions de faible endémie palustre, pendant la saison sèche, chez les enfants fébriles (3).

La mise en place de contrôles de qualité et l'habilitation du personnel utilisateur de ces TROD sont indispensables. Des procédures de bonnes pratiques sont mis à disposition par les centres collaborateurs de l'OMS ou par des organisations non gouvernementales comme Médecins Sans Frontières (4).

TROD du choléra

Renaud Piarroux (AP-HM) rapporte la place des TROD du choléra dans le suivi de l'épidémie en Haiti. Après l'explosion épidémique en octobre 2010, la stratégie actuelle consiste à contrôler les foyers de choléra, entre les flambées épidémiques, en particulier durant la saison sèche. Pour cela, des moyens financiers sans précédent ont été mis en place, près de 2,4 milliards de dollars, pour éradiquer le choléra dans cette région. Alors qu'en 2013, plus de trois quarts des TROD réalisés dans la région de Gonaives, commune ayant déclaré le plus grand nombre de cas suspects, étaient positifs, le taux de positivité des TROD a baissé au cours des premiers mois de 2014, atteignant 29 % en mars-avril. Avec la régression de l'épidémie de choléra en Haiti, la valeur prédictive positive des TROD, c'est à dire leur capacité à identifier les personnes malades, a chuté.

Au total, les TROD présentent peu d'intérêt au cours de l'épidémie alors que la prévalence de la maladie est élevée. En revanche, ils ont leur place au début de l'épidémie, quand la définition clinique des cas est insuffisante.

Les TROD de l'infection à VIH

L'actualité des TROD de l'infection à VIH en 2014 concerne la commercialisation des auto-tests, utilisables par tous. Ces TROD facilement utilisables par le plus grand nombre peuvent trouver leur intérêt dans les pays à forte prévalence. Ainsi, le Kenya et l'Afrique du Sud s'orientent vers la promotion de ce type de test. Des guides d'auto-information, d'utilisation et d'interprétation sont ainsi mis à la disposition du public.

Cependant, en l'absence de contrôle de qualité et de traçabilité, ces TROD ne permettent pas de s'affranchir de tests de confirmation.

Développement de nouveaux TROD

Des résultats encourageants sont observés pour le diagnostic rapide de la shigellose, responsable de 140 millions de cas et de 600.000 à un million de décès par an, selon les estimations de l'OMS. Les premières évaluations de ce TROD sur le terrain indiquent une sensibilité de 91,5 % à 100 % et une spécificité de 95,3 % à 99,2 %, selon les espèceset le support biologique testé (selles, écouvillons rectaux).

Un nouveau test de diagnostic rapide basé sur la recherche de l'antigène capsulaire thermostable des méningocoques A,C,Y et W est en cours de développement par l'Institut Pasteur et le Centre de Recherche Médicale et Sanitaire (CERMES) à Niamey au Niger (centre affilié au Réseau International des Instituts Pasteur) (5). Pratiqué initialement sur les échantillons de LCR, ce TROD vise à terme à déterminer les sérogroupes responsables des épidémies de méningites et à suivre en Afrique subsaharienne l'efficacité des campagnes de vaccination de masse par le vaccin conjugué anti-méningocoque A (MenAfriVac).

Le colloque a abordé de nouvelles perspectives telles que la place des TROD pour le diagnostic de la mélioïdose, infection bactérienne tropicale due à Burkholderia pseudomallei, endémique en Asie du Sud-Est et dans le nord de l'Australie. La première méta-analyse des méthodes diagnostiques rapides vient d'être publiée (6).

Conclusion

Les données les plus récentes indiquent que les critères d'utilisation des TROD disponibles dans les pays à faibles ressources médicales sont relativement bien définis pour les équipes ayant une grande expérience sur le terrain, telles que les ONG à vocation sanitaire. Même si ces tests ne permettent pas de s'affranchir des techniques de diagnostic microbiologique conventionnelles, les enjeux actuels consistent à intégrer leurs résultats dans un algorithme décisionnel propre à chaque situation.

Références

  1. Colloque de la Société de pathologie exotique sur les tests de diagnostic rapide

  2. OMS. Note d'information sur les critères de sélection recommandés pour l'utilisation des tests de diagnostic rapide

  3. Méta-analyse Cochrane sur l'utilisation des TROD paludisme et la conduite à tenir en fonction des résultats et de la clinique

  4. Évaluation des contrôles de qualité vis à vis des TROD du paludisme

  5. Chanteau S. Évaluation sur le terrain des TROD méningites

  6. Diagnostic rapide de la mélioïdose