Cas fatal de mélioïdose au Viêt Nam

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Au Viêt Nam, un responsable sanitaire du district de Bo Trac dans la province de Quang Binh âgé de 51 ans est décédé le 11 novembre 2020 de mélioïdose. Chargé de la gestion des secours lors des inondations survenues dans la région, malgré de la fièvre et une légère blessure au genou, il a continué à évacuer les gens et à patauger dans les eaux de crue, et a du être hospitalisé Viet am-Cuba Dong Hoi Friendship Hospital puis au Central Hospital deHué. Le diagnostic a été confirmé par la découverte de la bactérie Burkholderia pseudomallei.

Rappel sur la mélioïdose :
La mélioïdose (appelée également maladie de Whitmore) est une infection due à Burkholderia pseudomallei(ou bacille de Whitmore);

_B. pseudomallei_est une bactérie de l’environnement retrouvée dans les eaux de surface, la boue, les sols argileux humides, notamment lors de l'inondation des rizières et de la plantation du riz au début de la saison de la mousson.

La mélioïdose peut être contractée de trois manières : par voie transcutanées lorsque qu’une plaie ou des abrasions cutanées sont au contact du sol ou de l’eau contaminés, par voie aériennes par des aérosols contaminés ou par voie digestive lors de l’ingestion d’eau contaminée non traitée. La transmission interhumaine a été décrite mais est exceptionnelle. Outre l'homme, de nombreuses espèces animales peuvent être infectées.

La mélioïdose est considérée commeendémique ou potentiellement endémiqueen Australie (nord du Queensland, Australie occidentale, région du détroit de Torres, région de Kimberley), en Thaïlande, à Singapour, en Malaisie, au Myanmar (Birmanie), au Viet Nam, en Chine du sud, à Hong Kong, dans le sultanat de Brunei, au Laos, au Cambodge, à Taïwan et en Inde.

Descas sporadiquesont été rapportés dans de nombreux pays (liste non exhaustive) en Asie (Indonésie, Bangladesh, Japon, Philippines, Pakistan, Sri Lanka, Népal), sur le continent américain et dans les Caraïbes (Aruba, Guadeloupe, Guyane, Martinique , Porto Rico, Équateur, Panama, El Salvador, Haïti, Brésil, Costa Rica, Mexique, Venezuela, Honduras, Guatemala, États-Unis, Trinidad, République Dominicaine, Iles Vierges, Pérou), dans le Pacifique (Guam, Fidji, Papouasie-Nouvelle Guinée, Nouvelle Calédonie) en Afrique et au Moyen Orient (Iran, Ouganda, Sierra Leone, Gambie, Madagascar, Kenya, Nigeria).

On estime le nombre de cas annuel à 165 000, dont 89.000 décès. La maladie peut survenir en zone d’endémie sur un mode épidémique et son incidence est directement liée à la saison des pluies et aux inondations. Elle touche préférentiellement les personnes travaillant dans l'agriculture, les mines et la construction. En dehors des zones d’endémie, des cas d’importation sont régulièrement rapportés chez des touristes et des migrants. Les écotouristes et les voyageurs en condition aventureuse sont plus exposés.

Letableau cliniquede la mélioïdose ressemble à celui de nombreuses autres maladies ce qui entraîne souvent des retards de diagnostic.

Le délai entre une exposition à la bactérie et l'apparition des symptômes n'est pas clairement défini. On estime la période d'incubation moyenne à neuf jours (1-21 jours), mais les symptômes peuvent débuter plus rapidement (<24 heures) après une inhalation.

La plupart des patients développent une mélioïdose aiguë après une infection récente (85% des cas). La bactérie est présente dans le sang dans 50% des cas et 20% des patients développent un choc septique. L’infection peut se présenter sous la forme d’une infection pulmonaire (50% des adultes, 20% des enfants) ou cutanée (60% des enfants contre 13% des adultes), sous la forme d’abcès au niveau de différents organes (foie, rein, rate, prostate), d’une atteinte du système nerveux central ou d’une infection osseuse ou articulaire. D’autres localisations sont plus rares (anévrisme mycotique, péricardite, médiastinite).

Dans environ 10% des cas se développe une mélioïdose chronique se traduisant par une atteinte pulmonaire ou cutanée symptomatique pendant plus de 2 mois, généralement associée à des signes généraux.

Environ 4 % des cas développent une réactivation pulmonaire de la maladie restée latente, parfois des décennies après l'infection initiale.

Une rechute de l'infection primaire peut également se produire (1 à 2% à 1 an en cas de traitement bien conduit, environ 10% des cas à 10 ans).

La mortalité due à la mélioïdose aiguë varie de 10 à 50 %, mais peut être supérieure quand les ressources médicales sont limitées ou quand le malade présente des facteurs de risque (diabète, maladie chronique du foie ou du rein, thalassémie, immunodépression, maladies pulmonaires chroniques). Les taux seraient plus bas pour ce qui concerne les cas importés (6% dans une série européenne).

Le traitement (Int J Antimicrob Agents. 2014 Apr;43(4):310-8.,PLoS Negl Trop Dis2020 Sep 28;14(9):e0008659.) repose sur un drainage des foyers infectieux et une antibiothérapie. Le traitement initiale repose sur l'utilisation de ceftazidime ou de méropénème par voie intraveineuse pendant une durée qui varie de 2 à 8 semaines selon la forme clinique de l'infection. Il est poursuivi par un traitement par triméthoprime-sulfaméthoxazole ou amoxicilline-acide clavulanique pendant au moins 12 semaines afin d'éviter les rechutes.

Prévention pour le voyageur :

Il n'existe pas de vaccin contre la mélioïdose.

Le risque de contracter une mélioïdose est faible sauf à être impliqué dans des travaux agricoles ou des interventions humanitaires lors d’inondation. Les mesures suivantes permettent de réduire le risque d'exposition :

  • Éviter de se baigner en eau douce et d'entrer en contact avec le sol ou la boue pendant la saison des pluies dans les zones endémiques, en particulier si l'on présente des plaies ou des abrasions cutanées.
  • Nettoyer et désinfecter toute lésion cutanée.
  • Lors des déplacements en zone humide, porter des chaussures fermées et protéger les éventuelles lésions cutanées par des pansements.
  • Les voyageurs souffrant de diabète ou d'une maladie rénale chronique sont plus exposées à la mélioïdose et doivent éviter tout contact avec le sol et l'eau stagnante.
  • Les personnes qui effectuent des travaux agricoles devraient porter des bottes.
  • Les personnes à haut risque devraient envisager de reporter leur voyage si il est prévu en période d'hyperendémie, comme pendant les pluies de mousson.

Source : ProMED.

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