Bilan des zoonoses déclarées en Europe en 2020

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Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) via le système de surveillance européen (TESSy) et l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont présenté leur dernier rapport 2020 sur les zoonoses déclarées dans 27 États membres (EM) de l'Union Européenne (UE) et neuf États non membres (ENM). Deux événements ont eu un impact sur la collecte des données et sur les statistiques correspondantes : la pandémie de COVID-19 et le retrait du Royaume-Uni de l'UE qui ont certainement impacté le diagnostic et la déclaration de plusieurs pathologies, une réduction de plus de 30% de déclaration ayant été observée pour certaines zoonoses.

1. Résultats de surveillance de douze zoonoses

Les campylobactérioses et les salmonelloses représentent les zoonoses les plus fréquemment déclarées avec respectivement 120 946 et 52 702 cas enregistrés en 2020.

Les zoonoses responsables du plus fort taux d'hospitalisation sont les listérioses (97,1%), les trichinelloses et les infections à virus West Nile (près de 70%) et les yersinioses et salmonelloses (près de 30%). Les plus forts taux de mortalité ont été rapportés avec les listérioses (13%), les infections à virus WN (12%) et les salmonelloses (0,19%).

1.1. Infections à Campylobacter :

La campylobactériose a été la zoonose la plus fréquemment déclarée en 2020 dans l'UE en 2020, avec 120 946 cas et 317 épisodes des toxiinfection alimentaire collective (TIAC) (1 319 cas soit 1,1% des cas). Les taux de notification par pays les plus élevés en 2020 ont été observés en République tchèque (163,8 cas pour 100 000), au Luxembourg (116,4), en Slovaquie (90,2) et au Danemark (64,3). Les taux d'hospitalisation et de létalité ont été évalués respectivement à 21% et 0,05%.

L'origine des infections est méconnue dans 98,5% des cas. Quand une source alimentaire est identifiée, la viande de poulet et le lait cru sont les vecteurs les plus fréquemment retrouvés.

L'infection a été contractée dans l'UE dans 98,5% des cas. Un lien avec un voyage est établi dans 3,7% des cas, les pays les plus cités étant l'Espagne, la Croatie, la France et l'Autriche pour l'UE, et la Thaïlande, l'Inde, le Maroc et l'Indonésie en cas de voyage hors UE.

Campylobacter jejuni (88,1%) et C. coli (10.6%) sont les deux espèces les plus fréquemment en cause.

Deux pics saisonniers sont mis en évidence, un important en été et pour certains pays d'Europe du nord un second pic en janvier après les fêtes de fin d'année.

Les pays ayant rapporté le plus de TIAC à Campylobacter étaient l'Allemagne (n=98), la Slovaquie (n=88) et la France (n=69).

1.2. Salmonelloses

:

La salmonellose, avec 52 702 cas confirmés en 2020, constitue la deuxième zoonose en termes de nombre de cas déclarés en Europe. Son taux de notification est de de 13,7 pour 100 000 habitants dans l'UE. Les taux de notification les plus élevés ont été signalés par la République tchèque (98,4) et la Slovaquie (62,1). La proportion de cas hospitalisés était de 29,9 %, avec un taux de létalité dans l'UE de 0,19 %.

Les cinq principaux sérovars de Salmonella impliqués dans les infections humaines en 2020 étaient S. Enteritidis (48,7 %), S. Typhimurium (12,4 %), S. Typhimurium monophasique (1,4, [5],12:i:-) (11,1%), S. Infantis (2,5%) et S. Derby (1,2%).

Au total, 1 249 cas (soit 3,6% des cas pour lesquels la notion de voyage est précisée) sont en lien avec un voyage dont 967 avec un voyage hors UE. Les pays où les salmonelloses sont acquises sont pour l'UE l'Espagne et la Pologne et hors UE la Thaïlande, l’Égypte, la Turquie et l'Indonésie. Dans les pays du Nord de l'Europe (Suède, Norvège, Finlande, Islande, Danemark) un voyage est retrouvé dans plus de 20% des cas.

Au total, 694 TIAC ont été signalées, causant 3 686 infections, 812 hospitalisations et 7 décès. Salmonella a causé 22,5 % des TIAC en 2020. Les trois aliments les plus fréquemment impliqués étaient les œufs et ovoproduits, la viande de porc et ses produits dérivés et les produits de boulangerie. La France est le pays qui a déclaré le plus de TIAC à Salmonella en 2020 (1 009 cas), mais pas en taux d'incidence rapporté à la population.

1.3. Yersinioses

La yersiniose est la troisième zoonose la plus fréquemment signalée chez l'homme dans l'UE avec 5 668 cas confirmés dont 1 860 en Allemagne et 988 en France. Le taux de notification global est de 1,8 pour 100 000 habitants mais atteint 7,1 au Danemark, 7 en Finlande, 4,9 en Lituanie et 4,6 en Lettonie. Globalement le nombre de cas de yersiniose diminue régulièrement depuis 2016.

La proportion de cas hospitalisés était de 29,1 %, avec un taux de létalité dans l'UE de 0,07 %.

Un lien avec un voyage a été établi dans 3,6% des cas en moyenne, mais dans plus de 85% des cas en Belgique, en République Tchèque, au Danemark, en Finlande, en France, en Allemagne, en Suède et en Espagne. Yersinia enterocolitica représente 93,7% des cas.

Seize TIAC à Yersinia(236 cas) ont été signalées par six États membres. Dans un foyer danois un lien a été établi avec la consommation d'un plat à base de pâtes.

1.4_. Escherichia coli_ producteurs de shigatoxines (STEC)

En 2020, le nombre de cas confirmés d'infection humaine à STEC était de 4 446 soit un taux global de 1,5 cas notifié pour 100 000 habitants dans l'UE, mais de 14,8 et 7,6 respectivement en Irlande et au Danemark.

Au total 95,7% des cas ont été acquis dans l'UE et dans cette situation 98,5% des cas sont autochtones. Pour les cas acquis hors UE, l’Égypte, la Thaïlande et la Turquie sont le plus fréquemment citées.

Les STEC ont été responsable de 34 TIAC en 2020 représentant 208 cas, 30 hospitalisations et 1 décès. Les sources identifiées avec une forte probabilité étaient l'eau, la viande et les produits à base de viande, les produits laitiers autres que le fromage et les fromages à base de lait de vache. L'information sur le sérotype a été précisée dans 6 TIAC impliquant les sérotypes O157, O145 et O26.

1.5. Listériose

En 2020, 27 EM de l'UE ont signalé 1 876 cas d'infection à Listeria monocytogenes qui ont causé 780 hospitalisations et 167 décès. Le taux de notification de listériose était de 0,42 pour 100 000 habitants et aucune variation significative n'a été mise en évidence depuis 2016.

Pour 1 283 cas, l'évolution a été précisée permettant d'estimer le taux d'hospitalisation à 97,1% et le taux de létalité à 13%. La listériose reste l'une des maladies d'origine alimentaire sous surveillance la plus grave. Cette infection a été le plus souvent signalée dans la tranche d'âge supérieur à 64 ans, et particulièrement dans la tranche d'âge supérieure à 84 ans. Les infections ont été acquises dans l'UE dans 99,8% des cas.

En 2020, le L. monocytogenes était l'agent responsable de 16 foyers de TIAC dans sept EM de l'UE représentant 120 cas dont 83 hospitalisations et 17 décès. Les aliments les plus fréquemment impliqués dans cesTIAC étaient le poisson et les produits à base de poisson, la viande et les produits à base de viande et le fromage.

1.6. Tularémie

En 2020, 641 cas de tularémie ont été notifiés, soit un taux de notification de 0,15 pour 100 000 habitants. Il s'agit d'une diminution de 50% par rapport aux taux de 2019 quand on exclut le Royaume-Uni. On note un pic d'infections en septembre. La majorité des cas était déclaré par la Suède (n=247) et en Finlande (n=143). En France, 45 cas ont été signalés. Plus de la moitié des cas ont été hospitalisés. Les contaminations se font par piqure de tiques, par contact direct avec des animaux infectés (lièvres, campagnols...), par contact avec l'eau contaminée.

1.7. Echinococcose

En 2020, le nombre de cas confirmés d'échinococcose humaine provenant de 25 EM de l'UE était de 488, soit un taux de notification de de 0,14 pour 100 000 habitants. Ce taux de notification est le plus faible depuis le début de la surveillance d'Echinococcus spp. en 2007. Echinococcus granulosus sensu lato (s.l.) agent de l'hydatidose représentait 67,8 % des cas et E. multilocularis agent de l'échinococcose alvéolaire 32,2% des cas. Quand l'information est connue on constate que plus de 90% des cas d'hydatidose sont en lien avec un voyage alors que ce taux et de 6% pour l'échinococcose alvéolaire.

1.8. Fièvre Q

En 2020, 523 cas humains confirmés de fièvre Q ont été signalés, soit un taux de notification de l'UE de 0,12 pour 100 000 habitants. Il s'agit d'une diminution 44,6 % par rapport au taux de 2019 quand on exclut le Royaume-Uni. En 2020, le schéma saisonnier était différent des années précédentes et les cas humains étaient largement distribués de l'hiver au début de l'automne. Le nombre de cas augmentait avec l'âge et étaient les plus nombreux dans la tranche d'âge de plus de 65 ans.

De 2016 à 2020, on note une tendance à la baisse des cas humains confirmés de fièvre Q dans l'UE. Six cas d'infection par C. burnetii (1,2 %) ont été acquis en dehors de l'UE (Afghanistan, Angola, Bosnie-Herzégovine, Irak ou Namibie).

1.9. West Nile

En 2020, le nombre de cas humains probables et confirmés d'infection par le virus West Nile ou virus du Nil Occidental (VNO) était de 322, tous acquis dans l'UE, soit un taux de notification de 0,07 pour 100 000 habitants. La plupart des cas ont été rapportées par la Grèce, l'Espagne et l'Italie, représentant respectivement 44,7%, 23,9% et 21,4% du nombre total d'infections probables/confirmées signalées dans l'UE. Le taux d'hospitalisation était de 74% et le taux de létalité était de 12%. En 2020, l'Espagne a signalé une augmentation sans précédent des infections par le VNO, mais si l'on exclut l'année épidémique de 2018, il n'y a pas eu d'augmentation ou de diminution statistiquement significative des infections à VNO signalées au cours des 5 dernières années dans l'UE.

1.10. Brucellose

En 2020, le nombre de cas confirmés de brucellose humaine était de 128 dans l'UE, soit un taux de notification de 0,03 pour 100 000 habitants. Il s'agit du taux le plus faible depuis le début de la surveillance dans l'UE en 2007 avec une diminution de 55,3 % par rapport au taux de 2019 quand on exclut le Royaume-Uni. Quarante-neuf (38,3 %) des 128 cas humains ont été signalés avec des informations sur l'espèce : Brucella melitensis est responsable de 87,8 % des cas. En 2020, un foyer de 2 cas brucellose d'origine alimentaire contractée hors UE a été signalé ; il impliquait B. melitensis et a été rattaché à de la consommation de viande de mouton et de produits dérivés.

1.11. Trichinellose

En 2020, TESSy a enregistré 117 cas confirmés de trichinellose, soit un taux de notification de 0,03 pour 100 000 habitants. Il s'agit d'une augmentation de 20,4 % par rapport aux taux de 2019 quand on exclut le Royaume-Uni. Quatre États représentaient 93% des cas confirmés, l'Autriche (6 cas), la Bulgarie (13 cas), l'Italie (79 cas) et la Pologne (11 cas). Cependant, le nombre de cas confirmés de trichinellose dans l'UE n'a pas significativement varié entre 2016 et 2020. Le taux d'hospitalisation, quand cette information est connue a été de 72,7% et aucun décès n'a été signalé. Trichenella britovi a été identifiée en France et en Italie, et T. spiralis en Allemagne, Lettonie, Roumanie, Espagne. Quand elle a été identifiés, la source de contamination a été des saucisses crues fraîches à base de viande de sanglier, de la viande de porc et ses produits dérivés, de la viande rouge autre ou mélangée et ses produits dérivés, de la viande sans précision et des produits à base de viande et de la viande de porc fraîche.

Deux foyers ont été signalés par la Serbie, un pays non membre de l'UE, avec huit cas confirmés, sept hospitalisations et aucun décès.

1.12. Tuberculose Mycobacterium bovis ou M. Caprae

En 2020, 88 cas confirmés de tuberculose dus à M. bovis ou M. caprae ont été déclarés dans l'UE. Les taux de notification ne différaient pas entre les pays indemnes de tuberculose bovine et les autres. La majorité des cas (55,7 %) étaient originaires de l'UE (cas autochtones et/ou cas provenant d'autres États membres de l'UE).

2. Toxiinfections alimentaires

Au total, 3 086 épisodes de TIAC ont été signalés par 27 EM de l'UE représentant 20 017 cas, 1 675 hospitalisations et 34 décès. Le nombre de foyers signalés a diminué de 47 % par rapport à 2019, les cas humains diminuant de 61,3 %, les hospitalisations de 60 % et les décès de 43,3 %. Plus de trois quart de ces TIAC ont été déclarées par la Belgique, la France, l'Allemagne, les Pays Bas et la Slovaquie. Ces résultats sont principalement attribuables aux conséquences indirectes de la pandémie de COVID-19 sur les populations de l'UE, qui se traduisent par une moindre exposition aux aliments contaminés et à une sous-déclaration plus importante des foyers. Le taux de notification des foyers de TIAC dans l'UE était de 0,69 pour 100 000 habitants ; il a diminué dans les mêmes proportions que le nombre de cas par rapport à 2019. Cinquante-sept TIAC ont été rapportées par des ENM de l'UE dont 30 au Royaume-Uni et 10 en Suisse.

La baisse des épidémies d'origine alimentaire n'a pas touché tous les agents causaux de la même manière. Le nombre d'épidémies causées par des agents associés à des formes cliniques graves, tels que le botulisme, la listériose, la trichinellose et les infections à E. coli STEC a moins diminué que celui causé par d'autres agents ou n'a pas diminué. Les épidémies d'origine alimentaire causées par les norovirus et l'hépatite A ont fortement diminué de 72 % et 65 %, respectivement, en 2020 (130 et 7, respectivement) par rapport à l'année précédente.

Un agent pathogène a été identifié dans 60% des TIAC (1 857 TIAC représentant 13 878 cas, 1 509 hospitalisations et 33 décès). Les agents pathogènes ou toxines les plus fréquemment identifiés étaient Salmonella (694 TIAC), Campylobacter (317 TIAC), les toxines de Bacillus cereus (n=71), de Clostridium perfringens (32 TIAC) et de S. aureus (43 TIAC), des toxines non spécifiées (372 TIAC), un norovirus ou d'autres calicivirus (130 TIAC).

Salmonella était l'agent le plus fréquemment identifié dans les TIAC dans l'UE (N = 694), représentant 22,5 % du total des foyers. Salmonella a causé le plus grand nombre de cas (N = 3 686 ; 18,4 % du total) et d'hospitalisations (N = 812 ; 48,5 % de toutes les hospitalisations). S. Enteritidis était le sérovar prédominant (N = 402 ; 82,4 % des foyers).

En 2020, le norovirus était le 4éme agent pathogène identifié comme responsable de TIAC dans l'UE avec 130 TIAC ; il est habituellement associé à d'importantes épidémies (en moyenne plus de 20 cas), six épidémies ayant concerné plus de 100 patients chacune.

Bien que le nombre de cas mortels en 2020 ait été inférieur à celui de 2019, le nombre de décès causés par des épidémies d'origine alimentaire en Europe était élevé, avec 34 décès dans les EM et 14 décès dans les non EM. L. monocytogenes a été associé à 30 cas mortels (62,5 %) et Salmonella à 8 (16,7 %). L'augmentation progressive de la létalité et des hospitalisations en lien avec la listériose est une source de préoccupation étant donné les multiples facettes de l'épidémiologie de cet agent. En 2020, une grande variété de véhicules alimentaires a été impliquée dans les foyers de listériose, y compris le poisson fumé et d'autres produits à base de poisson, la viande et les produits à base de viande et le fromage à pâte molle.

Les binômes agent pathogène/aliment retrouvés le plus souvent dans les TIAC étaient Salmonella/œufs et produits dérivés, et norovirus/crustacés, coquillages, mollusques et produits dérivés.

En 2020, la plupart des foyers concernaient la restauration publique et les restaurants, les pubs, les plats à emporter et les cantines. Toutefois, un nombre similaire de foyers ont été signalés dans un cadre domestique.

3. Rage

Pour 2020, pour la première fois depuis 2015, aucun cas d'infection humaine par Lyssavirus n'a été notifié.

Chez les animaux terrestres non volants, un total de 12 cas de rage d'origine autochtone a été rapporté par la Pologne (cinq renards, une vache et un chien) et la Roumanie (un renard, deux chiens). Le nombre total de cas de rage autochtone signalés chez les animaux terrestres dans l'UE a augmenté en 2020 (N = 5 en 2019 ; N = 8 en 2018 ; N = 6 en 2017).

Les données de surveillance des Lyssavirus chez les chauves-souris ont été rapportées par 15 EM de l'UE. Cinq EM ont déclaré des résultats positifs, principalement pour l'espèce European bat 1 lyssavirus(EBLV-1), avec un total de 31 cas chez les chauves-souris.

Un cas de rage a été signalé par la France chez un chien importé illégalement, infecté par un lyssavirus de l'espèce rage classique (RABV) appartenant à la lignée Africa 1 provenant d'Afrique du Nord. En Irlande, une martre importée (Martes zibellina) détenue comme animal de compagnie a été déclarée positive à la rage.

Deux chats ont été déclarés positifs pour un lyssavirus de chauve-souris en France (EBLV-1) et en Italie (West Caucasian bat lyssavirus).

Sources : Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) etAutorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)